UN JOLI CONTE POUR NOEL

Cette histoire se déroule il y a bien longtemps, du temps où la marine était à voile et où il fallait trois bons mois pour gagner les Indes en contournant l’Afrique afin d’en ramener les épices rares et les étoffes précieuses dont le lointain Orient avait le secret.

Or donc, un armateur eut un jour l’idée d’équiper l’un de ses galions d’une dizaine de bancs de rame. Comme cela, pensait-il, lorsqu’il n’y a pas de vent, ce qui arrive souvent dans certaines parties de l’Atlantique ou de l’Océan Indien, l’équipage, au lieu de se tourner les pouces en attendant que le vent souffle à nouveau, peut faire avancer le bâtiment afin de gagner un temps précieux. L’idée était bonne car notre armateur ne manquait pas de concurrents et le premier arrivé était sûr d’écouler toute sa marchandise au meilleur prix.

Il se doutait bien que ses marins n’allaient pas accepter de bonne grâce ce surcroît de travail sans contrepartie. Aussi, pour motiver ses troupes, il promit à chacun une récompense si son navire arrivait le premier au port, les cales pleines. La méthode était originale pour l’époque mais efficace. Il paraît qu’elle est encore utilisée de nos jours.

Que croyez-vous qu’il arriva ? L’équipage, stimulé par l’idée de rentrer plus tôt au pays et avec un bonus ne ménagea pas sa peine. Sitôt que le vent mollissait, une partie des marins empoignait les rames. S’il n’y avait plus de vent du tout, les voiles étaient carguées et tous souquaient ferme. Le résultat fut que notre galion entra dans le port avec une bonne semaine d’avance sur ses concurrents et que notre armateur vendit sa cargaison à prix d’or. Jamais encore, il n’avait réalisé aussi belle affaire.

Et comme c’était un homme de parole, il s’en vint rendre visite au capitaine et lui remit une cassette pleine d’or. "Tenez, lui dit-il, chose promise, chose due, partagez ceci avec tous vos hommes". Le capitaine remercia l’armateur au nom de l’équipage, l’assura de son indéfectible fidélité et le reconduisit à terre.

De retour dans sa cabine, il se prit à réfléchir. Je suis le capitaine de ce navire, se dit-il. C’est moi qui choisit sur les cartes marines la route la plus rapide, moi qui prend la décision de hisser les voiles au bon moment, d’affecter tout ou partie de l’équipage aux bancs de rame quand il le faut, de faire le point avec les étoiles pour ne pas dévier de notre route. Il est normal que je sois mieux récompensé que le dernier de ces mécréants (en ces temps, heureusement révolus, les capitaines n’éprouvaient que mépris pour les hommes d’équipage). Fort de cette réflexion, il prit pour lui la moitié de la cassette et appela son lieutenant.

"Lieutenant, l’armateur, respectant la parole donnée, m’a remis ceci. A charge pour vous de le répartir équitablement". Et il lui remit la cassette, à moitié pleine d’or.

Le lieutenant remercia chaleureusement son capitaine et s’en fut dans sa carrée. "En tant que second de ce navire, c’est moi qui veille à la parfaite exécution des ordres du capitaine, moi qui répartit les hommes en fonction de leur force et de leur endurance, moi qui distribue les rations de nourriture et d’eau selon les besoins. Si nous sommes rentrés en avance, c’est bien grâce à moi.". Il s’attribua donc la moitié de ce qu’il avait reçu du capitaine et, comme il ne restait plus beaucoup de pièces par rapport à la taille de la cassette, mit le restant dans une bourse et convoqua le quartier-maître.

"Voici ce que, dans sa générosité, l’armateur m’a chargé de vous donner à partager avec l’équipage" dit-il en lui tendant la bourse. Le quartier-maître se confondit en remerciements et regagna son coin couchette dans la cale. " Si nous sommes arrivés si vite au port, c’est bien grâce à moi qui donnait le bon rythme aux rameurs en tapant sur le tambour. Trop lent, nous aurions été dépassés par les concurrents car nos cales étaient plus que pleines. Trop rapide, l’équipage se serait épuisé, peut-être même mutiné, en tout cas, nous n’aurions pas rempli notre contrat. J’estime avoir mérité la moitié de cette bourse". Il préleva sa part et, comme il ne restait plus que quelques pièces d’or, alla acheter avec ces dernières un tonnelet de rhum.

De retour sur le bateau, son tonnelet sous le bras, il réunit l’équipage et déclara :"Messieurs, dans sa grande bonté, l’armateur m’a demandé de vous distribuer votre récompense. Allez donc chercher vos quarts et mettez-vous à la queue leu leu (l’Amérique n’ayant pas été découverte, on ne disait pas encore en file indienne), vous avez droit à un plein quart de rhum chacun !".

"Vive l’armateur" crièrent en chœur les marins avant de s’exécuter. Et au soir de cette belle journée, tout le monde était content, de l’armateur, richissime, au dernier des marins cuvant benoîtement son alcool. Au moins, direz-vous, personne n’était exclu, tous avaient été récompensés. C’est vrai. Mais c’était la règle à cette époque barbare.

Tout conte comporte une moralité. Celui-ci en offre au moins trois, mais vous pouvez en trouver d’autres.


- 1 Ce n’est pas celui qui rame et transpire le plus qui est le mieux récompensé.
- 2 Chacun peut être content de son sort...tant qu’il ignore ce que se sont octroyé les intermédiaires.
- 3 Le seul vrai gagnant finalement, c’est quand même bien l’armateur.

Cette histoire, fort morale, se passait il y a bien longtemps et parle d’un armateur, d’un capitaine, de son équipage et d’une cassette pleine d’or. Il ne saurait être question d’un PDG, de son personnel et de prime (de participation ou autre) .

Ceux qui se hasarderaient à raisonner ainsi ne seraient qu’esprits chagrins prompts à salir les plus belles choses comme ce joli conte de Noël. Que le rouge de la honte empourpre leurs fronts.

JOYEUX NOEL A TOUS !



Il fait froid en cette période de Noël
Marchons les mains dans les poches pour nous réchauffer
et si tout au fond il y a une toute petite pièce regardons autour de nous...
Il y a peut être quelqu'un qui ne rentrera pas au chaud ce soir.
Et s'il n'y a pas de pièce au fond de notre poche
un petit bonjour, un simple sourire peut réchauffer le coeur !






 

 




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