C’est un mouvement social inhabituel pour « la belle endormie de Rouen ». Après Groupama et la Macif, c’est au tour des organisations syndicales de la
Matmut de tirer la sonnette d’alarme sur les conditions de travail des salariés dans la gestion de sinistres. Une étape clef dans la relation client qui devient de plus en plus exigeante à l’heure où les événements climatiques se multiplient.
A l’appel de la CGT et de FO – syndicats non majoritaires, dont le taux de représentativité est respectivement de 16,45% et de 22,9% - quelque 200 salariés sur l’ensemble des 5 pôles de gestion se sont mis en grève ce mardi 11 février, soit la moitié de l’effectif, selon les organisations syndicales. Un chiffre tempéré par la direction de la Matmut qui a recensé 130 à 140 salariés ayant « débrayé » une à deux heures ce mardi.
Effectifs insuffisantsDans un tract distribué lundi 10 février, les organisations syndicales dressent « un constat alarmant », pointant « des effectifs insuffisants » au regard « de flux téléphoniques très importants » et « des process inadaptés ». La CGT et FO, qui disent avoir alerté la direction sur la situation des pôles de gestion de sinistres (PGS) le 29 janvier lors de la première réunion du CSE (comité social d’entreprise), la nouvelle instance du dialogue social en entreprise
, dénoncent en outre « le mépris » de la direction. Elles attribuent notamment la phrase suivante au directeur général de la Matmut Nicolas Gomart : « nous ne nions pas vos retours terrain, mais nous avons aussi les nôtres qui sont bons, lorsque nous passons sur PGS, on nous dit que tout va bien ».
Pic d'activité
La direction de la Matmut, qui ne confirme aucun des propos rapportés dans ces tracts, affirme vouloir « tirer des leçons sur le soutien à apporter à l’avenir aux gestionnaires de sinistres en cas de pic d’activité ». Alors que les élus syndicaux affirment avoir alerté sur la dégradation des conditions de travail depuis 3 ans déjà, Olivier Ruthardt, directeur général adjoint en charge des ressources humaines et des relations sociales, évoque quant à lui un « pic d’activité au cours des six dernières semaines lié à la concentration d'intempéries intenses dans des régions où la Matmut est bien implantée » dans un contexte « de développement du portefeuille et d’investissements informatiques importants ». Une activité plus dense qui a coïncidé, rappelle-t-il, avec la période des congés de fin d’année et d’absentéisme dû à la grippe.
Un problème conjoncturel, donc ? « En 2019, sur l’ensemble de l’année, la volumétrie des sinistres a été moins importante qu’en 2018. Nous avons augmenté les effectifs postés de 4%, alors même que les flux moyens entrants ont diminué de 6%», se défend Olivier Ruthardt. « Le quotidien des salariés ne se résume pas à des chiffres ! Les salariés sont cramés ! », s’insurge Laurent Castel, délégué syndical national CGT, qui pointe des situations « d’épuisement professionnel ».
Heures sup’ et mutualisation
En cause : le recours aux heures supplémentaires et la « pression accrue pour mutualiser la charge de travail d’une plateforme à l’autre ». Des choix assumés par la Matmut. « Pour pouvoir gérer les pics d’activité, il va falloir réfléchir aussi à des formes de gestion différenciées et permettre aux salariés de s’avancer dans le traitement des dossiers, par exemple grâce aux heures supplémentaires. Cela s'est tout à fait bien déroulé en juin, moins en décembre dernier. Il s’agit d’une souplesse que nous utilisons aujourd'hui à la Matmut sur la base du volontariat. La gestion repose aussi sur la solidarité entre collègues : lorsqu’un centre d’appel fait face à plus de flux, il est normal que d’autres le soutiennent», répond Olivier Ruthardt. Et de souligner que « le déploiement des outils digitaux permettra à l’avenir d’optimiser certains process de gestion, qui sont parfois chronophages pour nos collègues ».
En réponse au mal-être exprimé par les salariés, la Matmut a réuni la semaine dernière les managers dans les centres de gestion afin d'encourager le dialogue sur les difficultés rencontrées. Elle a notamment instauré le principe de retraits téléphoniques en back office par demi-journée ou journée complète par semaine.
QUALITÉ DE VIE AU TRAVAILLes élus syndicaux appellent, par ailleurs, à davantage d’embauches en CDI. « Les embauches s’effectuent en CDD et nous avons la peine à conserver ces jeunes précaires en raison d’un salaire d’entrée peu attractif » relève Laurent Cantel. Un « ressenti » erroné selon Olivier Ruthardt, qui rappelle que « 98% des recrutements s’effectuent en CDI et seules deux ressources ont quitté l’entreprise ».
En creux, se dessine chez les salariés de la Matmut la crainte de voir leurs conditions de travail bouleversées à l’instar d’autres mutuelles d’assurance qui ont revu leurs accords sur le temps de travail et les amplitudes horaires dans leurs centres d’appel et de gestion. Alors que la Matmut a signé en 2019 un premier accord sur la qualité de vie au travail, à l’unanimité des organisations syndicales représentatives, Laurent Cantel pointe « des difficultés à le faire appliquer dans certaines directions, notamment commerciales où le management est dur » et « une culture du chiffre, en rupture avec les valeurs mutualistes ».