Le trajet domicile-travail est du temps de travail !

 

La Cour européenne de justice a tranché : le temps passé dans les transports ou dans sa voiture le matin et le soir pour se rendre à son travail est considéré comme du temps de travail effectif pour les salarié-e-s itinérant-e-s— et comme tel, ce temps peut être décompté des heures passées chez un client.

Une décision qui pourrait chambouler très concrètement le droit du travail français.


Ce jugement intervient après la saisine de la Cour européenne par la justice espagnole : des salarié-e-s de l'entreprise Tyco, dont les bureaux ont fermé dans la région de Madrid, étaient obligé-e-s de se rendre chaque jour au siège de la société, occasionnant parfois des trajets de plus de cent kilomètres. La justice européenne a estimé que pour les salarié-e-s « n'ayant pas de lieu travail fixe ou habituel », le temps de déplacement des salarié-e-s entre leur domicile et « les sites du premier et du dernier client désignés par leur employeur » était considéré comme du temps de travail.

Quelles conséquences pour les salarié-e-s français ?


Cette décision, prise par la plus haute juridiction en Europe, touche tou-te-s les salarié-e-s en Europe. Elle peut potentiellement bouleverser le droit du travail en France et par conséquent, redéfinir les règles dans les entreprises.

• Le droit européen prévaut sur le droit français

Si une décision de l'Union européenne peut avoir un impact sur la législation française, c'est parce que le droit européen se substitue à la loi française. Dès lors qu'elle est plus favorable que la loi nationale, les décisions de la Cour européenne peuvent être invoquées par les salarié-e-s devant les Prud'hommes par exemple, mais attention — le jugement peut ensuite être nuancé ou cassé par la cour d'appel puis par la cour de Cassation.
À moins que les législateurs ne décident de se pencher sur la question d'ici-là. La loi française doit de toute façon se mettre en conformité avec le droit européen, tel que le dicte la Cour européenne mais cela peut demander des années surtout avec le gouvernement Valls/MEDEF actuel.

• Que dit le droit français ?

Actuellement, la loi française ne prévoit pas de disposition particulière pour les salarié-e-s itinérant-e-s. Elle prévoit des dispositions pour les travailleur-euse-s sédentaires et considère que le trajet domicile-lieu de travail n'est pas du temps de travail effectif. Toutefois, lorsqu'un-e salarié-e part directement de son domicile sur un lieu de mission dont la distance est plus importante que le trajet habituel, il doit bénéficier de contreparties financières ou du temps de repos, selon l'article 3121-4 du code du travail. Les conventions collectives fixent le montant de ces contreparties, qui ne sont pas forcément équivalentes au salaire horaire.

Ça va faire grincer des dents un grand nombre d'employeurs.

Difficile pour un employeur de maîtriser le temps que prend un employé pour rejoindre son lieu de travail. En plus de la contrepartie financière qui doit être équivalente au salaire, se pose la question de la comptabilisation du temps de travail effectif qui ne peut excéder onze heures par jour et 35 heures par semaine. Ça va faire grincer des dents un grand nombre d'employeurs, notamment dans le BTP ainsi que pour les commerciaux

En effet, actuellement, une décision de justice de 2006, concernant un formateur appelé à se rendre sur différents lieux, fait office de jurisprudence pour les salarié-e-s sans lieu de travail fixe. Il appartient aux juges d'apprécier si leur temps de trajet pour se rendre de leur domicile à leurs différents lieux de travail dépasse le temps normal de trajet d'un travailleur pour se rendre de son domicile à son lieu habituel de travail.

• La création d'une discrimination dans le code du travail ?

Difficile de définir précisément ce qu'est un-e employé-e itinérant-e ?
On appelle communément itinérant-e toute personne qui ne passe pas chaque jour par le site de son entreprise. Dans les textes, rien ne distingue des salarié-e-s selon qu'ils aient ou non un lieu habituel de travail. À partir de quelle fréquence de déplacements «exceptionnels», un-e employé-e peut-il-elle être considéré-e comme itinérant-e ?

C'est la question qui risque de se poser très rapidement. Il faut attendre de voir comment les juridictions françaises vont appliquer cette évolution, si elles vont la restreindre à certaines catégories d'employé-es ou à tou-te-s.

Pourquoi cette décision ?

Le temps de travail est défini, au sein de l'Union européenne, comme toute période durant laquelle l'employé-e est au travail, à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de ses fonctions.



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